Jusqu’à l’adoption de la Constitution du 8 novembre 2016, qui institue la 3ème République, le Parlement ivoirien était constitué par une seule chambre appelée « l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ». Depuis l’avènement de la 3ème République, le Parlement est constitué de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. En ce qui concerne l’Assemblée nationale, ses membres portent le titre de députés, ils sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct.
Actuellement, l’Assemblée nationale est composée de 255 députés élus pour cinq ans au scrutin majoritaire à un tour. Il est à noter que 169 sont élus dans des circonscriptions uninominales et 36 dans des circonscriptions de 2 à 6 sièges où les électeurs votent pour des listes bloqués composées d’autant de candidats que de sièges à pourvoir. Le candidat ou la liste arrivée en tête dans la circonscription remporte l’intégralité des sièges.
Quand est née cette institution ? Comment a-t-elle évolué jusqu’à ce jour ? quelles sont les grands évènements qui ont marqué sa marche ? Quelles sont les changements importants qu’elle a connus ?
Cette présentation sur l’histoire de l’Assemblée nationale tente de répondre à ces questions


1- Représentation africaine au Parlement français



Comprendre la naissance de l’Assemblée nationale revient à nous plonger inéluctablement dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Il est bon de rappeler que la Côte d’Ivoire a été constituée le 10 mars 1893 en colonie française d’Afrique occidentale et administrée à partir d’octobre 1904 par un Lieutenant-gouverneur placé, lui-même, sous l’autorité du Gouverneur général de la fédération de l’Afrique Occidentale Française (AOF).
Jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, les intérêts de ses populations défendus au Parlement français, par un seul et même député, originaire du Sénégal et élu par les seuls Sénégalais qui avaient le statut de citoyens français.
La 2ème guerre mondiale a ébranlé la position de la métropole et remis en question le maintien de la domination française dans un empire colonial parvenu à son apogée à la fin des années 30. La France, enlisée dans un régime d’assemblée faible et instable, n’a pas perçu la montée dans ses colonies du mouvement d’émancipation des peuples indigènes.
N’ayant pas comme le Royaume-Uni d’expérience en matière de décolonisation, elle a conservé l’illusion que quelques aménagements suffiraient à y maintenir son emprise, et elle a donné constamment l’impression, jusqu’en 1958, d’être ballottée par des événements sur lesquels elle n’avait pas prise, et de tourner le dos à une évolution devenue inéluctable.
Toutefois, le 22 août 1945, après la Conférence de Brazzaville, une ordonnance crée deux collèges électoraux pour toutes les colonies d’Afrique subsaharienne. Le premier collège comprend les citoyens français européens et africains, tandis que le second est composé des non-citoyens français. Ces collèges siègent toujours en France.
Deux députés (Félix HOUPHOUËT-BOIGNY et Dieudonné RESTE) sont élus au scrutin d’octobre 1945 et représentent la Côte d’Ivoire à la première Assemblée Constituante dont le rôle est de préparer une nouvelle Constitution à la France.


2- Fonction parlementaire dans la Côte d’Ivoire coloniale



En application des dispositions de la constitution française de 1946, le décret 46-2375 du 25 octobre 1946 pris par le ministre de la France d’Outre-mer, crée des Assemblées représentatives territoriales portant la dénomination de Conseils Généraux en Afrique Occidentale.
Le 29 décembre 1946, eurent lieu les élections en vue de la désignation des conseillers généraux en Côte d’Ivoire. 50 (Cinquante) candidats étaient proposés selon le système du double collège, à raison de vingt sièges pour les citoyens de statut français (civil), et de trente sièges pour les citoyens de statut local. Ainsi furent élus 20 (vingt) européens, 18 (dix-huit) ivoiriens et 12 (douze) voltaïques.
Le 6 février 1952, la loi française no52-130 crée formellement l’Assemblée Représentative Territoriale de Côte d’Ivoire en remplacement du Conseil Général. Le 30 mars 1952, les électeurs ivoiriens sont alors appelés aux urnes pour élire cinquante conseillers territoriaux qui désignent à leur tour leur président.
La « Loi-cadre » en réorganisant entièrement l’Afrique Occidentale et l’Afrique Équatoriale par l’institution et la définition des attributions des Conseils de Gouvernement dans chaque territoire, des Chefs de territoire, consolide également les Assemblées Territoriales. Le 28 septembre 1958, la Côte d’Ivoire répond positivement au référendum d’autodétermination organisé dans toute la communauté franco-africaine et malgache et, le 4 décembre 1958, elle proclame sa première République. L’Assemblée Territoriale de la Côte d’Ivoire se proclame Assemblée Constituante et les Conseillers Territoriaux prennent le titre de Députés.
Le 26 mars 1959, l’Assemblée Constituante vote à l’unanimité la première Constitution et cède la place à une nouvelle Assemblée Législative qui compte cent députés d’origine ivoirienne et française.


3- Évolution : l’Assemblée nationale à l’Ère du parti unique absolu



Le pouvoir législatif est exercé par cette unique chambre jusqu’en 2016 et les membres, les députés, sont désignés par circonscription, au scrutin de liste majoritaire bloquée à un tour sans vote préférentiel ni panachage7. Les pouvoirs de cette Institution expirent à la fin de la deuxième session ordinaire de la cinquième année de son mandat. Elle est alors renouvelée intégralement en mettant en compétition tout citoyen qui le souhaite pourvu qu’il soit âgé de vingt-cinq ans au moins et qu’il n’ait jamais renoncé à la nationalité ivoirienne8.
La nouvelle constitution de 2016 inclut plusieurs changements par rapport à la constitution de 2000, notamment la suppression de plusieurs critères d’éligibilité pour le poste de président de la République : les deux parents d’un candidat présidentiel n’ont plus besoin de posséder la nationalité ivoirienne de naissance et ont maintenant la possibilité d’avoir eu une autre citoyenneté. Le poste de vice-président de la République est créé ainsi qu’un Sénat, transformant alors le système parlementaire en système bicaméral. Le président de la République, le vice-président de la République ainsi que deux tiers du Sénat sont élus en même temps que les députés, alors que le reste du Sénat est nommé par le président.
Durant cette période qui débute à la veille de l’indépendance du pays et s’achève en 1980, cinq législatures se sont succédé. La première (1959-1960) est en réalité une législature de transition.
Territoire d’outre-mer, la Côte d’Ivoire était dotée d’un Conseil général élu au scrutin de liste majoritaire à deux tours avec un double collège. Ce Conseil général, devenu Assemblée territoriale est transformé en Assemblée législative sous l’empire de la Constitution du 26 mars 1959. Philippe Grégoire YACE est élu président de cette assemblée le 27 avril 1959.
La deuxième législature (1960-1965) voit le jour après la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire dans l’hémicycle même de l’Assemblée nationale le 7 août 1960. Elle émane d’un accord intervenu le 11 juillet 1960 à Paris, pour le transfert au gouvernement ivoirien, des compétences exercées sur le territoire par le gouvernement de la Communauté. Dans cette dynamique, le Parlement ivoirien vote le 31 octobre 1960, une nouvelle loi constitutionnelle et moins d’un mois plus tard, le 27 novembre, soixante-dix députés, tous ivoiriens, sont élus à l’Assemblée nationale sur une liste unique. Il s’agit en fait, d’une sorte de ratification de la liste proposée par le parti unique, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Philippe YACE est élu président de l’Assemblée nationale le 6 décembre 1960.
La troisième législature démarre avec les nouvelles élections qui envoient au Parlement ivoirien, le 7 novembre 1965, quatre-vingt-cinq députés. Le 22 du même mois, Philippe Yacé est réélu président de l’Assemblée nationale. Le bureau formé le même jour est reconduit jusqu’au 16 décembre 1970. Ce bureau se caractérise par une particulière sobriété et une remarquable stabilité. Le 29 novembre 1970, cent députés sont élus à l’Assemblée nationale et ils désignent, à nouveau, le 16 décembre suivant, Philippe YACE pour présider l’Assemblée nationale de la quatrième législature (1970-1975). Le 16 novembre 1975, pour la cinquième législature (1975-1980), des élections législatives envoient au Parlement cent-vingt députés et, le 4 décembre, le bureau de l’Assemblée nationale est formé ; toujours présidé, mais pour la dernière fois, par Philippe YACE (il est bon de noter que le Président Philippe Grégoire YACE a présidé cinq législatures de 1959 à 1980).



4- Le Parlement à l’ère de la démocratie à l’ivoirienne



La sixième législature (1980-1985) s’inscrit dans un contexte de parti unique assoupli. La liste unique du parti à entériner par les électeurs cède la place à une véritable compétition ouverte au sein du même parti. Cette législature marque une rupture qui constate, après vingt et un ans d’exercice ininterrompu, le départ Philippe Grégoire YACE de la Présidence de l’Assemblée nationale et son remplacement par Henri Konan BEDIE.
Le bureau de l’Assemblée nationale est renouvelé le 30 décembre 1980 mais conserve un grand nombre de membres. La même option d’ouverture est conservée pour la septième législature (1985-1990) qui accueille cent soixante-quinze députés envoyés par les électeurs à l’Assemblée nationale. Il s’agit également du deuxième mandat parlementaire du Président Henri Konan Bédié qui est reconduit à la tête de l’Assemblée nationale en décembre 1985.
L’Assemblée nationale à l’ère du multipartisme
A cette ouverture interne au PDCI, succède en 1990, le multipartisme et la huitième législature (1990-1995) qui constate l’entrée d’une opposition au parlement. Le nombre de députés est maintenu à cent soixante-quinze. Henri Konan Bédié est, à nouveau, reconduit à la tête de l’Assemblée nationale ivoirienne mais il doit quitter ses fonctions en cours de mandat pour assurer les charges de Président de la République, conformément à la constitution, à la mort Félix Houphouët-Boigny le 7 décembre 1993. Charles Bauza DONWAHI est alors désigné pour assurer la présidence de l’Assemblée Nationale.
La neuvième législature (1995-2000) démarre en 1995. Le Bureau de l’Assemblée nationale est constitué le 9 janvier 1996 et présidé par Charles Bauza DONWAHI. Ce dernier, décédé le 2 août 1997, est remplacé par Emile BROU. Mais cette législature n’ira pas à son terme car il y est mis fin le 24 décembre 1999 par le coup d’État qui porte le Général Robert Guéï au pouvoir.
Après le vote d’une nouvelle constitution en 2000, une nouvelle législature naît. Il s’agit de la première législature de la 2ème République (2000-2005). Elle est marquée par le boycott des élections législatives par le parti du Rassemblement des républicains (RDR) dont quelques membres briguent néanmoins les suffrages des électeurs et obtiennent leur entrée au Parlement. Cette législature est également caractérisée par la diversité de représentation des sensibilités avec l’entrée de plusieurs partis politiques à l’Assemblée nationale. Cette législature est exceptionnellement longue et s’est poursuivi sur plus de deux législatures en raison de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire qui n’a pu permettre le renouvellement de l’Assemblée nationale que le 16 décembre 2011.



5- La controverse de la fin de la législature



En 2000-2005 s’ouvre en Côte d’Ivoire la 1re législature de la Deuxième République mais la fin de ce mandat parlementaire, contrarié par la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire, nourrit une controverse animée au double plan national et international. Aux termes de la Constitution ivoirienne, « les pouvoirs de l’Assemblée nationale expirent à la fin de la deuxième session ordinaire de la dernière année de son mandat. Les élections ont lieu vingt jours au moins et cinquante jours au plus avant l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale ». Aussi bien la constitution que le code électoral n’ayant pas prévu le cas où l’élection des députés ne se tiendrait pas dans les délais prescrits, le pays a dû faire face à un vide juridique qui a suscité une polémique et des opinions controversées des acteurs locaux et non nationaux.
Le Conseil de sécurité des Nations unies, dans sa résolution 1633 sur la Côte d’Ivoire, note que le mandat de l’Assemblée nationale prend fin le 16 décembre 2005 et le Groupe de travail international, tire la conclusion que ce mandat n’a pas à être prorogé. En se prononçant contre la prolongation des mandats parlementaires échus le 16 décembre 2005, le Groupe de travail international (GTI) a « mis le feu aux poudres » et ouvert un « bras de fer international », selon les observateurs.
Pour protester contre cette prise de position, de nombreux jeunes ont érigé, des barricades en divers points du district d’Abidjan et dans quelques villes de l’intérieur du pays. Les troubles ont entraîné des morts et de nombreux blessés. Le président du Conseil économique et social a même estimé que « la Côte d’Ivoire n’est pas pour le moment gouvernée par Kofi Annan. Ce n’est pas lui qui a élu les députés de Côte d’Ivoire et ce n’est pas lui qui doit mettre fin à leurs fonctions » Les députés quant à eux ont, par une déclaration conjointe datée du 12 décembre 2005 des groupes parlementaires FPI, PDCI-RDA, UDPCI et Solidarité, recommandé la prorogation de leur mandat jusqu’aux prochaines élections.
Le président de la République, Laurent Gbagbo, a sollicité l’avis du Conseil constitutionnel sur le point de savoir si le défaut d’élections, dû à la situation de crise que connaît son pays, entraînait la dissolution et la fin des pouvoirs de l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel a émis l’avis que l’Assemblée nationale demeurait en fonction et conservait ses pouvoirs. En définitive, l’Assemblée nationale a continué ses activités.


6- L’Assemblée nationale sous la 3ème République



Depuis l’instauration de la Troisième République, le parlement ivoirien est devenu bicaméral. L’Assemblée nationale devient donc la chambre basse du parlement. L’Assemblée nationale a une certaine primauté pour l’élaboration des lois. En cas de désaccord au Sénat, le vote retourne à l’Assemblée nationale. Lorsque le Parlement se réunit en Congrès, le président de l’Assemblée nationale devient le président du Congrès, celui du Sénat devient le vice-président.
La première législature de la Troisième République est élue au élections législatives de 2016. En accord avec les dispositions transitoires de la nouvelle constitution de 2016, le mandat de l’assemblée élue en 2016 s’achèvera exceptionnellement en décembre 2020, soit au bout de quatre ans au lieu de cinq.


7- Evolution du nombre de députés depuis 1960



Depuis l’indépendance, la composition de l’Assemblée nationale a enregistré plusieurs évolutions. De 1960 à 2019, l’effectif a été multiplié par une fois et demi. Il faut préciser que le nombre de député est fixé par la loi et la répartition géographique est fonction de deux critères : la superficie de la circonscription et le nombre de population.
Tableau sur l’évolution des effectifs des députés
Législature Effectif
1960-1965 100
1965-1970 100
1970-1975 100
1975-1980 120
1980-1985 175
1985-1990 175
1990-1995 175
1995-2000 175
2000-2010 225
2012-2016 255
2016-2020 225
 


 


Notes et références bibliographiques



1. ↑ IPU PARLINE : Côte d’Ivoire (Assemblée Nationale), Dernières élections [archive]
2. ↑ IPU PARLINE : Côte d’Ivoire (Assemblée nationale), Système électoral [archive]
3. ↑ COTE D’IVOIRE Assemblée nationale [archive]Union Interparlementaire
4. ↑ décret du 10 mars 1893, portant organisation des colonies de la Guinée Française, de la Côte d’Ivoire et du Bénin
5. ↑ loi (France) du 9 mai 1946
6. ↑ Francis V. Wodié, Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d’Ivoire, Presses universitaires de Côte d’Ivoire, juillet 1996, pp 35 et 36.
7. ↑ Loi (Côte d’Ivoire) n° 2000-514 du 1er août 2000 portant code électoral, article 68.
8. ↑ loi N° 2000-514 du 1er août portant code électoral, article 71.
9. ↑ loi n° 52-130 du 6 février 1952 relative à la formation des Assemblées locales (voir Journal officiel de la Côte d’Ivoire, note du 11 février 1953, p. 95)
10. ↑ Loi n° 59-1 du 26 mars 1959 portant constitution de la République de Côte d’Ivoire
11. ↑ Loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960
12. ↑ a et b Art.58 à 70 de la Constitution ivoirienne (2000).
13. ↑ « Commissions Permanentes » [archive], sur Site web officiel de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire
14. ↑ Titre XVI, chapitre 3 [archive]
15. ↑ La guerre de la France contre la Côte d’Ivoire
16. ↑ Loi n° 2003- 309 du 8 août 2003
17. ↑ Loi N°2004-303 du 3 mai 2004
18. ↑ Loi N°2004-302 du 3 mai 2004
19. ↑ Loi n° 2004-411 du 14 août 2004
20. ↑ Loi n° 2004-413 du 15 août 2004
21. ↑ Loi n°2004-412 du 3 août 2004
22. ↑ Loi n°2004-494 du 10 septembre 2004
23. ↑ Loi n° 2004-642 du 14 décembre 2004
24. ↑ Loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004
25. ↑ Loi n°2004-644 du 14 décembre 2004
26. ↑ Loi n° 2004-663 du 17 décembre 2004
27. ↑ Loi n° 2004-662 du 17 décembre 2004
28. ↑ (fr) Bras de fer international [archive]
29. ↑ (fr) Déclaration du Gouvernement lue par le premier ministre à la RTI [archive]
30. ↑ (fr) Dona-Fologo ( Président CES) : “ La Côte d’Ivoire n’est pas gouvernée par Kofi Annan ” [archive]
31. ↑ Avis du Conseil constitutionnel n° 2005/013/CC/SG du 15 décembre 2005